Notre démarche

Pourquoi cette démarche ?

Il existe naturellement sur notre planète des échanges massifs de carbone : les forêts et les océans échangent du dioxyde de carbone avec l’atmosphère.  Nous-mêmes lorsque nous respirons rejetons du dioxyde de carbone (ce carbone provient initialement des aliments que nous avons ingérés, et qui ont puisé ce carbone dans l’atmosphère par photosynthèse). Ce cycle du carbone naturel est à l’équilibre : la quantité globale de CO2 échangée dans ce cycle est constante.

Le réchauffement climatique actuel est lié à un phénomène inédit qui n’a rien à voir avec ce processus naturel. En effet, les activités humaines utilisent des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon), qui lors de leur combustion rejettent dans l’atmosphère du dioxyde de carbone, qui n’y était pas auparavant, le carbone étant initialement stocké sous terre dans les énergies fossiles. Ces rejets sont supérieurs à la capacité naturelle de la planète à recycler le CO2 via la photosynthèse et la dissolution du CO2 dans les océans. La concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente donc, et comme ce gaz a pour particularité de piéger la chaleur, le climat se réchauffe. Cette analyse, officiellement confirmée par le GIEC , le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, un organisme international réunissant des scientifiques de renom - n’est plus contestée que par quelques groupes défendant leurs intérêts menacés.

En tant qu’éditeur de livres, nous sommes concernés à deux titres :

  • D’une part parce que nous émettons de par notre activité et celles de nos fournisseurs (papetiers, imprimeurs, transport), des gaz à effet de serre (la majeure partie étant du CO2) dans l’atmosphère qui réchauffent le climat.
  • D’autre part, notre matière première nous relie très étroitement aux problématiques de la forêt. Si, grâce à la « révolution culturelle » opérée par l’industrie papetière depuis vingt ans,  encouragée en cela par l’action énergique des ONG environnementales et des organismes de certification, le papier provient de moins en moins de la déforestation, il reste encore beaucoup à faire, notamment en Indonésie.

Quelle est l’intensité carbone du secteur de l’édition?

L’intensité carbone d’une activité s’exprime par une valeur issue de la division de ses émissions de CO2 (en kilotonnes)  par son chiffre d’affaires (en millions d’euros).

Le tableau ci-dessous, établi par Price Waterhouse Coopers à partir de données issues du Carbon Disclosure Project et publié par Le Monde, donne l’intensité carbone de 26 groupes européens appartenant à six secteurs industriels réputés énergivores et donc hautement émissifs en GES .

  Efficacité énergétique Intensité carbone
   Entreprises

A
Intensité énergétique

en 2010        en 2005

B
Part
de l'énergie
renouvelable
(en %)

C
Emissions
de CO2

D
Intensité
carbone

Chimie

         
BASF (Allemagne) 0,4 0,5 0 25 701 0,3
Dow Chemical (Etats-unis) 3,1 4,6 7 38 084 0,7
Bayer (Allemagne) 0,5 0,7 0 8 500 0,2
LyondellBasell (Pays-Bas) 8,5 n.c. n.c. 28 000 0,7

Energie

         
E.ON (Allemagne) n.c. n.c. n.c. 132 326 1,1
Gazprom (Russie) n.c. n.c. n.c. 131 219 1,1
GDF Suez (France) 3,6 0,5 4,2 112 575 1,0
EDF France (France) 2,1 3,1 8,7 81 247 0,9
RWE (Allemagne) 6,0 n.c. n.c. 170 200 2,5

Industrie extractive

         
Premex (Mexique) 2,3 (2009) 1,8 (2006) 0 50 300 0,5
Rio Tinto Group (Royaume-Uni) 2,5 3,2 (2006) 24 44 600 0,8
BHP Billiton (Australie) 1,5 2,9 n.c. 45 731 0,9
Xstrata (Suisse) 1,0 2,0 22 24 694 0,8
           

Matériaux de construction

         
Saint-Gobain (France) 1,2 n.c. 0 18 700 0,4
CRH (Irlande) 0,9 1,9 0 10 150 0,4
Lafarge (France) 6,0 6,6 12 104 663 4,9
Holcim (Suisse) n.c. n.c. 2 108 334 5,2

Métaux

         
Arcelor Mittal (Luxembourg) n.c. n.c. n.c. 184 825 2,2
ThyssenKrupp (Allemagne) n.c. n.c. n.c. 28 867 0,5
Posco (Corée du sud) n.c. 7,4 n.c. 71 679 1,4
Nippon Steel (Japon) 5,2 (2009) 7,0 n.c. 60 500 1,6 (2009)

Pétroliers

         
Royal Dutch Shell (Pays-Bas) n.c. n.c. n.c. 85 000 0,2
Exxon Mobil (Etats-unis) 1,2 1,2 n.c 147 000 0,4
BP (Royaume-Uni) 1,0 1,4 0 74 920 0,2
Chevron (Etats-Unis) 1,1 1,3 n.c. 66 620 0,3
Total (France) 0,8 1,4 n.c. 57 000 0,3

 

A: Consommation d'énergie (directe: fuel, gaz, charbon, etc. et indirecte: électricité) en mégawatteure/chiffre d'affaires en milliers d'euros.
B: Part d'énergie renouvelable dans l'énergie primaire consommée.
C: Emissions de CO2 en kilotonnes. Source CDP sauf exceptions.
D: Intensité carbone = émissions de CO2 en kilotonnes/chiffre d'affaires en milliers d'euros.

(1) Scope 1 ou scopes 1 et 2, c'est-à-dire, émissions liées à la production ou émissions liées au cycle de vie du produit
(2) Ratio calculé par Dow Chemical.  (3) Energie directe uniquement.  n.c. : non communiqué

SOURCES: PWC D'APRÈS LES DONNÉES PUBLIÉES PAR LES ENTREPRISES ET CARBON DISCLOSURE PROJECT , TABLEAU PARU DANS LE MONDE DU 29 NOVEMBRE 2011.

Le secteur de l’édition en France peut s’évaluer à partir du bilan carbone d’Hachette Livre. Premier groupe d’édition français avec 25% environ de part de marché (données 2011), Hachette Livre est présent sur tous les segments de ce marché : littérature générale, poche, livres pour la jeunesse, beaux livres, éducation, guides de voyage, pratique, etc. Son activité peut donc être considérée comme représentative de celle du secteur.

Son bilan carbone, établi par Carbone 4 en 2009, ressort à 240 kilotonnes de CO2 par an, pour un chiffre d’affaires France d’environ 700 millions d’euros. Cela établit l’intensité carbone du secteur de l’édition en France à 0,3kg eqCO2/€, ce qui le place parmi les secteurs les moins « carbonés » du tableau.

Il convient de noter qu’avec un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros (données 2011), l’édition française ne saurait figurer dans ce tableau réunissant des géants industriels pesant chacun une centaine de milliards et plus. Le fait que l’édition ait la même intensité carbone que les leaders mondiaux de l’industrie pétrolière par exemple, ne saurait masquer le fait qu’en termes absolus, ces derniers émettent 100 fois plus de GES .

Carbone émis et carbone stocké

Les arbres, comme tout végétal, captent et stockent le carbone de l’atmosphère et le transforment en carbone organique. Ce processus naturel s’appelle la photosynthèse. Un arbre vivant stocke ce carbone organique, qui reste prisonnier de sa biomasse (le bois, les racines, les feuilles). Quand l’arbre meurt de mort « naturelle », ce carbone retourne à l’état minéral et gazeux par le processus de décomposition naturelle du bois tombé à terre, ou par l’action du feu. Quand il est abattu en pleine maturité, le carbone organique qu’il contient reste stocké dans le bois qui n’est pas détruit, puis dans la pâte à papier qui en est tirée. Le livre, produit ultime de la transformation de l’arbre, stockera ce carbone jusqu’à sa propre destruction.

Carbone émis et carbone stocké

Quelle est la durée de vie d’un livre ?

Bien durable s’il en est, le livre a une espérance de vie qui varie énormément en fonction d’une multitude de facteurs. Il est impossible d’estimer la proportion de tous les livres jamais imprimés qui sont encore « en circulation » aujourd’hui. Les bibliophiles conservent précieusement  des livres ayant un, deux ou trois siècles. Le soin qu’ils leur accordent et le prix que le marché leur attribue disent assez leur rareté. On trouve des livres plus anciens encore dans les bibliothèques nationales. Les incunables, qui datent du 15e siècle, le siècle de l’invention de l’imprimerie, sont conservés avec un soin extrême et ne sont en règle générale pas consultables autrement qu’à distance, sur écran. Leur durée de vie sera celle de la civilisation qui les a vus naître et qui les conserve.

A l’opposé, certains livres ont une durée de vie ultra-courte. Entre 20% et 25% des livres mis en vente aujourd’hui sont retournés, invendus, par les libraires. Quelques uns sont réintégrés en stock et peuvent  être remis en vente. La majorité de ces livres invendus, toutefois, finit au pilon, soit parce qu’ils ne sont plus en état d’être vendus comme ouvrages neufs, soit parce que le coût de leur réintégration dans les stocks dépasse la marge que pourrait dégager leur vente. Le pilon est une filière de destruction industrialisée qui  alimente l’industrie papetière en matière recyclable. C’est ainsi que 100% des livres pilonnés sont recyclés.

Entre ces deux extrêmes – la conservation pour l’éternité et la destruction au bout de quelques mois – il y a la masse énorme des livres vendus et conservés dans leur bibliothèque par les particuliers que nous sommes. Conservés combien de temps ? C’est une question qui oblige à raisonner par ordres de grandeur : un an ? Dix ans ? Cent ans ? La  logique dicte d’opter pour la valeur intermédiaire : dix ans, ou quelques dizaines d’années en moyenne. Dès lors, il n’est pas illégitime d’estimer qu’un livre prolonge d’autant la durée de stockage du carbone accumulé dans l’arbre qui a été coupé pour le fabriquer. Mais étant donné le degré d’incertitude de la durée de vie, le stockage de carbone dans le livre n’est pas pris en compte dans notre calcul de l’empreinte carbone du livre, seules les émissions de CO2 de fabrication du livre sont indiquées.

En quoi l’étiquetage contribue-t-il à une réduction des GES ?

L’empreinte carbone de chaque livre, en attendant que d’autres paramètres se mettent éventuellement en place, permet à l’éditeur, dès lors qu’elle est mesurée en « scope 3 *», de sélectionner ses fournisseurs en fonction, entre autres, de leurs performances en matière de développement durable, et donc de réduire l’empreinte globale de ses activités. Portée à la connaissance des libraires et des consommateurs, elle atteste le travail accompli et leur permet d’accéder à ce site pour comprendre notre démarche.

Les critères déterminant l’achat de tel livre plutôt que de tel autre peuvent et doivent  rester liés à l’auteur et au contenu, bien sûr, ainsi qu’à la qualité générale de la fabrication et au plaisir qu’on a à le feuilleter, à le lire et à le posséder. L’étiquetage écologique ne se veut donc pas un critère discriminant au moment de l’achat, seulement un repère destiné à informer et sensibiliser le public aux enjeux du développement durable et à exprimer concrètement l’engagement de l’éditeur que nous sommes en la matière. C’est également un indicateur de performance pour l’éditeur qui s’engage à réduire l’empreinte carbone de ses livres.

(*)  « Emissions indirectement émises par l’entreprise qui fait son Bilan Carbone : gaz à effet de serre émis par les fournisseurs ou les clients. »